
Les troubles du comportement alimentaire (TCA) sont de véritables maladies ; il ne s’agit pas seulement de se restreindre lorsque l’on a trop mangé la veille, ou grignoter lorsque l’on est stressé ou que l’on s’ennuie. Les personnes qui souffrent de TCA peuvent avoir de réelles carences et mettre leur vie en danger.
Aujourd’hui en France, on estime à près d’un million le nombre de personnes souffrant d’un TCA. Malheureusement, la moitié n’est pas dépistée et n’accède pas encore aux soins adaptés à ces maladies.
Reconnaître un TCA :
Les différents troubles du comportement alimentaire et leurs symptômes
Les troubles du comportement alimentaire, appelés aussi « troubles des conduites alimentaires », sont des perturbations graves du comportement au niveau de l’alimentation, avec des répercussions sur la santé physique et mentale.
Un TCA est difficile à reconnaître. Il démarre souvent par un régime anodin, encouragé par l’entourage qui y voit une démarche de santé. Cependant, une volonté obsessive de rester mince s’installe progressivement et les restrictions alimentaires se font de plus en plus importantes.
Les trois types de TCA les plus courants sont :
- L’anorexie mentale
- La boulimie
- L’hyperphagie boulimique
1/ L’anorexie mentale

L’anorexie mentale, se caractérise par une perte de poids intentionnelle, avec l’obsession de maigrir toujours plus et à tout prix. Les personnes anorexiques souffrent en effet de dysmorphophobie, c’est-à-dire qu’elles perçoivent leur corps bien plus gros qu’il ne l’est réellement. Souvent, la personne atteinte ne se sent pas malade alors qu’elle se met en danger. Elle mange très peu, parfois même jusqu’au point de s’affamer, et nie avoir faim. Elle parle fréquemment de son poids et dit se sentir grosse. Très souvent, elle évite les repas et les occasions sociales, pour éviter les situations où il y a des aliments.
L’anorexie mentale, comme les autres TCA, peut avoir des conséquences importantes sur la vie affective, familiale, sur les études, le travail et les relations amicales.
L’anorexie mentale touche principalement des jeunes femmes âgées de 15 à 25 ans, et possède le taux de mortalité par suicide le plus haut parmi tous les troubles psychiatriques. En effet, dans les 10 années suivant le début de la maladie, 10 % des personnes anorexiques seront mortes de la maladie et de ses complications, y compris par suicide.
Les signes de l’anorexie mentale :
- Perte de poids intentionnelle, associée à la peur de grossir
- Restriction des choix alimentaires : avec le temps, la personne limite de plus en plus le genre d’aliments qu’elle consomme, voire en supprime certains de son alimentation
- Maintien d’un poids faible, en dessous des normes pour l’âge et la taille
- Vomissements provoqués et utilisation de laxatifs pour accélérer le transit intestinal, coupe-faim et diurétiques pour augmenter la production d’urines
- Dénutrition, qui s’accompagne de perturbations des fonctions physiologiques, avec l’arrêt des règles pour les jeunes filles et les femmes
- Pratique excessive d’exercices physiques
L’anorexie mentale peut apparaître seule, ou accompagnée d’épisodes de boulimie.
2/ La boulimie

La boulimie se traduit par la répétition de crises incontrôlables, pendant lesquelles la personne a une envie irrésistible de manger beaucoup et vite. Ces crises sont suivies d’une grande culpabilité et d’une tentative de reprendre le contrôle par différents moyens, que ce soit par des vomissements, des laxatifs ou une activité physique en excès.
Avant et pendant ses crises, la personne boulimique n’éprouve aucune sensation de faim, ni de sentiment de plaisir. La quantité de nourriture consommée est importante, et elle est souvent ingérée sans être mâchée.
Les signes de la boulimie :
- Variations de poids importantes
- Vomissements provoqués, utilisation de laxatifs, de diurétiques
- Jeûne
- Exercice physique intensif et de manière obsessive
- Aliments qui disparaissent rapidement ou nombreux emballages vides
- Réduction de ses activités habituelles, y compris abandon de ses activités sociales, à mesure que les activités boulimiques deviennent une source d’intérêt intense qui prend de plus en plus de temps
- Fréquentes pesées
3/ L’hyperphagie boulimique

L’hyperphagie boulimique correspond à des crises de boulimie alimentaire, sans les techniques de contrôle du poids. Elle entraine une prise de poids souvent mal vécue et néfaste pour la santé, et peut occasionner un surpoids ou une obésité.
Les signes de l’hyperphagie boulimique :
- La personne mange très vite
- La personne mange peu importe si elle a faim, même si elle est rassasiée, au point de ressentir de l’inconfort ou de la douleur
- La personne mange seule parce qu’elle est gênée du type et de la quantité de nourriture qu’elle consomme
- Gain de poids
Ce trouble ne comprend pas les purges qui accompagnent la boulimie, mais peut comprendre des cycles de régime ou de jeûne.
Les TCA en quelques chiffres (source : AAB Ouest)
- 900 000 personnes souffrent de TCA en France, dont 600 000 jeunes.
- 28 % des adolescentes sont concernées par les crises de boulimie.
- 19 % d’entre elles déclarent avoir des stratégies de contrôle de poids.
- Les TCA constituent la 2ème cause de mortalité prématurée chez les 15-24 ans, juste après les accidents de la route.
- Le taux de mortalité d’un jeune souffrant d’anorexie est 12 fois plus élevé que celui des personnes du même âge, non malades.
- Les tentatives de suicide touchent jusqu’à 20% des anorexiques et 35% des boulimiques.
- L’anorexie peut débuter dès l’âge de 8 ans : ces formes précoces sont particulièrement sévères.
- 50% des personnes souffrant de TCA ne bénéficient pas d’une prise en charge médicale.
- Le délai d’attente avant une première consultation dans une structure spécialisée est de 2 à 3 mois, en raison du nombre très important de demandes.
Les facteurs de risque des troubles du comportement alimentaire
Un TCA doit être pris en charge rapidement, dès l’apparition des symptômes. En effet, les troubles alimentaires peuvent se manifester dès le plus jeune âge. L’anorexie mentale débute habituellement à la puberté, tandis que la boulimie commence très souvent quelques années plus tard. Les TCA apparaissent graduellement, et se déclenchent souvent à la suite d’un régime alimentaire.

Une fois enclenché, il est difficile d’arrêter un TCA, c’est pourquoi il est important de porter attention aux signes et d’obtenir de l’aide dès que possible en cas d’identification d’un TCA.
Il n’y a pas de cause unique aux troubles alimentaires, mais certaines personnes sont plus susceptibles que d’autres d’en être affectées. Les facteurs de risque comprennent :
- Une faible estime de soi
- L’impression de manquer de contrôle, un sentiment d’impuissance
- Des relations familiales difficiles
- Des antécédents de mauvais traitements ou de traumatismes
Les troubles alimentaires concernent plus le contrôle et l’estime de soi que les aliments. La capacité de contrôler l’apport alimentaire et le corps devient étroitement liée à cet aspect.
Cependant, ils dissimulent très souvent d’autres problèmes. Ils peuvent d’abord être un moyen de faire face à des problèmes personnels : Il n’est pas rare que des personnes ayant des troubles alimentaires aient d’autres problèmes de santé mentale comme la dépression ou l’anxiété.
En effet, un TCA peut survenir subitement à la suite d’une déception scolaire ou sentimentale, d’un deuil, ou d’un régime amaigrissant commencé suite à une remarque « vexante » sur le physique de la personne.
Les personnes ayant un trouble alimentaire avouent rarement qu’elles ont un problème, ce qui les empêche d’aller chercher l’aide dont elles ont besoin. Par ailleurs, elles peuvent aussi avoir honte et se sentir coupables, et tenter de cacher leurs activités alimentaires. Il devient alors difficile pour l’entourage de déceler qu’il y a un problème.
Les risques pour la santé
Un trouble du comportement alimentaire n’est pas anodin et peut avoir de graves conséquences à mesure que la maladie progresse. Dans le cas de l’anorexie mentale, la restriction provoque :
- Une maigreur extrême
- Une fonte musculaire
- Un arrêt du cycle menstruel
- La perte de cheveux
- Une peau visqueuse et le jaunissement des paumes ou de la plante des pieds
- Une pilosité sur tout le corps (qui se met en place pour le garder au chaud)
- Une faible densité osseuse
- Irritabilité, dépression, difficulté à se concentrer
- Une baisse de la tension artérielle avec des malaises possibles
- Un ralentissement du rythme cardiaque avec un risque accru d’insuffisance cardiaque
- Un coma ou même le décès dans les cas les plus graves.
Dans le cas de la boulimie, en fonction des aliments et des techniques utilisées pour perdre du poids, les conséquences peuvent être diverses :
- Une prise de poids excessive et même une obésité
- Des problèmes dentaires à cause des vomissements répétés (dents cariées et jaunies)
- Un gonflement des glandes parotides (glandes salivaire située sous les joues)
- Des troubles digestifs à cause des dommages touchant l’œsophage, l’estomac et les intestins
- Des problèmes cardiaques ou rénaux à cause de la perte de liquides et de minéraux importants.
Quant à l’hyperphagie boulimique, il ne comprend pas les purges qui accompagnent la boulimie, mais peut connaître des cycles de régime ou de jeûne. Les effets sur la santé de l’hyperphagie peuvent comprendre :
- Le diabète
- Une tension artérielle élevée
- Des douleurs et fatigue articulaires (à cause de l’excès de poids)
- Une dépression
- Des maladies cardiaques
L’accompagnement et les aides médicales pour traiter les TCA
Dans les TCA, la relation à la nourriture est perturbée. Le plus souvent, le traitement de ces troubles implique à la fois médecins, psychologues et diététiciens.
Un TCA doit être pris en charge rapidement, dès l’apparition des symptômes. En premier lieu, la personne atteinte peut s’adresser à son médecin traitant ou une infirmière scolaire, qui l’orientera vers un psychologue, un psychiatre, un nutritionniste ou un service spécialisé dans les troubles du comportement alimentaire. Le plus souvent, les personnes souffrant de TCA n’ont pas conscience de leur maladie, c’est donc à l’entourage de tirer la sonnette d’alarme et de les pousser à consulter.
Les proches d’une personne souffrant de TCA jouent un rôle primordial dans sa guérison. Ils ne doivent surtout pas faire des reproches sur le comportement ou le physique de la personne souffrant de TCA, du type « tu as vu comme tu es maigre », car cela ne ferait qu’empirer les choses. L’essentiel est de lui faire comprendre qu’elle a besoin d’être aidée et suivie par une équipe spécialisée.
MISE EN PLACE DU SUIVI
1/ Le suivi global
Le médecin traitant va orienter la personne atteinte. Il prescrit les examens nécessaires et conseille sur le choix d’une consultation spécialisée ou d’un service hospitalier, de professionnels tels que psychiatre ou pédopsychiatre, psychologue, diététicien. Par la suite, ce médecin est le référent pour assurer le suivi dans le temps, en lien avec les autres intervenants.
2/ Le suivi physique et psychologique
Un TCA implique un suivi de l’état général et du poids de la personne atteinte. Des bilans sanguins, dentaires, digestifs ou cardiaques peuvent ainsi être prescrits.
Le suivi psychologique permet d’évaluer la personne atteinte et de rechercher d’éventuels troubles psychiques associés au TCA. Il est fréquent que la personne ne reconnaisse pas sa maladie et considère ne pas avoir besoin d’aide. Le traitement peut inclure une psychothérapie adaptée aux TCA.
3/ La rééducation nutritionnelle
Un programme de réalimentation progressive est mis en place pour les personnes atteintes d’anorexie mentale. Ce programme est adapté à la personne atteinte en accord avec l’équipe soignante. S’il s’agit d’une ou d’un adolescent, les parents peuvent y être associés.
Dans le cas de la boulimie et de l’hyperphagie boulimique, le programme porte sur la conduite à tenir face à la nourriture. Il doit permettre de réapprendre à se nourrir de manière diversifiée et équilibrée, tout en retrouvant une régularité dans le rythme des repas.
4/ La participation de la famille
La famille est soutenue et impliquée dans les soins, en particulier lorsque la personne concernée est une ou un adolescent. Des entretiens réunissant la personne atteinte et ses parents, ses frères et sœurs, sa compagne ou compagnon, aident à améliorer la relation avec l’entourage et à se rétablir.
5/ Les soins en consultation
Le traitement des TCA est réalisé la plupart du temps à travers des consultations et, si besoin, des hospitalisations en journée. Le rythme plus ou moins soutenu de ces consultations dépend de l’état de santé physique et mentale de la personne atteinte. Ce mode de soins, dits ambulatoires, permet de ne pas couper la personne de sa famille, de sa scolarité, de ses études ou de son travail.
6/ Les soins en hospitalisation
Une hospitalisation peut se révéler nécessaire dans certains cas. Elle peut se dérouler dans un service ayant une compétence dans le traitement des TCA, ou dans un service non spécialisé. Un accompagnement au moment du retour à la maison et du retour en cours ou au travail pourra être proposé.
Les cas qui peuvent nécessiter une hospitalisation sont les suivants :
- Complications médicales : troubles cardiaques, déshydratation…
- Complications psychologiques : dépression sévère, des idées de mort, risque suicidaire, refus de soins
- Échec du traitement en consultation ou en hôpital de jour avec, dans le cas de l’anorexie mentale, poursuite de la perte de poids
- En cas d’anorexie mentale, dénutrition sévère mettant en jeu la vie de la personne
L’hospitalisation peut être vécue comme un moment éprouvant par la personne et son entourage, car cette décision vient confirmer la gravité de la situation. Dans le cas où une personne concernée par l’anorexie court un danger vital, ou si prendre de la nourriture lui est devenu trop difficile, l’équipe médicale utilise une sonde (un tube fin et flexible allant du nez jusque dans l’estomac). Ce dispositif permet une alimentation artificielle par une solution apportant les principaux nutriments.
L’entourage ne peut se substituer au médecin ou au psychologue, mais il peut assurer un soutien essentiel dans ces moments difficiles. Si vous soupçonnez un proche de souffrir de troubles du comportement alimentaire, voici quelques conseils pour l’aider :
- Soyez patient, guérir de l’anorexie mentale, de la boulimie ou de l’hyperphagie boulimique prend du temps
- Essayez de comprendre la souffrance derrière la maladie et faites le premier pas pour en parler
- Encouragez-le à consulter un médecin pouvant l’aider à faire le diagnostic et mettre en place un traitement adapté
- Soutenez-le dans ses activités de la vie quotidienne
Les proches de la personne atteinte peuvent également trouver de l’aide pour eux-mêmes, de l’écoute et des conseils auprès d’associations de patients et de proches.
Se sortir d’un trouble du comportement alimentaire prend du temps et nécessite une prise en charge spécialisée qui ne se limite pas seulement à l’alimentation, mais aussi à un travail de confiance en soi.
Les TCA disparaissent rarement sans aide professionnelle. Plus une personne obtient de l’aide rapidement, plus le rétablissement sera facile.
Pour toute information sur les TCA, vous pouvez consulter le site de la Fédération Française Anorexie Boulimie : https://www.ffab.fr/
2 juin : Journée mondiale des troubles du comportement alimentaire (TCA)
Sources :
https://www.medecindirect.fr/blog/20190507-trouble-comportement-alimentaire
https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/anorexie-mentalehttps://www.journeemondialetca.fr/tout-sur-les-tca/origine-traitements-et-evolution-des-tca